Par

Ma chronique publiée dans Nous CHRD le mois dernier…

michou avec LG

Michou vous aime… Youpi !

 

18h, rendez-vous avec Michou pour une interview : toutes les écoles de journalisme l’enseignent à leurs élèves, c’est le piège. La faute à ne pas commettre. Même le meilleur des reporters en rentrera bredouille, quelles que soient ses relations « historiques » avec l’homme bleu de Montmartre. « Historique », depuis 1982 je le suis, bredouille : je l’ai été. Pas le plus petit début d’interview et 90 coupes de champagne plus tard (on risque sa vie pour  « Nous » ou l’on quitte le magazine), rien. J’exagère, une petite cuite et des confidences que l’enregistreur (le même, pourtant, que Patrick Buisson) m’a restitué totalement inaudibles. Mes notes manuscrites ? Pas mieux. Illisibles. J’y lis quoi ? Michou aime les restaurateurs, il aime l’UMIH, il aime Roland Héguy. Waouu… Youpi ! Je force le trait. Car cela fait 30 ans que je lis le Michou au ressenti. Et que je l’entends. Bien-sûr, il est incapable de nous dire quelle est la recette pour réussir un cabaret. La sienne, à 83 piges, c’est l’histoire d’une vie. D’un bosseur qui n’a jamais lâché sa petite scène de Montmartre et qui s’y montre encore aujourd’hui tous les soirs que Dieu lui prête encore, en dandy monochrome, gracieux et souriant, accueillant chaque client d’un bonsoir sonore et amical. C’est celle d’un petit gars du nord toujours émerveillé devant cette notoriété gagnée avec les dents et un brushing impeccable. Son succès, c’est celui d’un funambule qui, entre flic et voyou, a toujours su mener sa barque à quai même par gros temps. C’est encore celui d’un type tout simple qui a très vite compris qu’il ne fallait pas prendre les clients pour des pigeons. Un bon spectacle, un bon service et une flamiche picarde irréprochable. Michou c’est ça, plus une mémoire de dinosaure, le seul animal avec lequel il accepte qu’on le compare. Les autres sont morts. Jean Castel, Jean-Marie Rivière… mais pas Régine « que l’on aperçoit encore » dans le Paris by night où il traine sa bonne humeur depuis 1956. Michou est un livre d’Histoire qui n’écrira jamais ses mémoires. Par élégance. C’est un monument qui dit merci à Yves Mourousi et Jean-Claude Brialy et se souvient avec émotion d’Edouard Carlier qui lui a ouvert les portes des grands chefs, de Paul Bocuse à Guy Martin qu’il affectionne tout particulièrement. Pour le reste, au restaurant, il préfère la tradition, le « comme à la maison ». Ce qui lui a valu un jour cette répartie d’un maître d’hôtel à qui il faisait cette confidence : « Mais pourquoi vous ne restez pas chez vous ? ». Une réponse qui avait valeur de condamnation à mort pour ce personnage abracadabrant. Et très complexe. Car l’homme n’est jamais celui que l’on croit connaître. Il est en tout cas, pour votre serviteur, un des êtres les plus exceptionnels rencontrés en 30 ans de chroniques diverses.

Un autre portrait publié dans le magazine Tentation

reproduction interdite. Photo BL

reproduction interdite. Photo BL

MICHOU : L’APPARITION MONTMATROISE

Bien moins farouche que la Vierge à Lourdes, Michou apparaît chaque jour aux touristes de la Butte.

Si le Prince Albert a son portrait bien placé dans tous les commerces de la Principauté, Michou s’en tire plutôt bien en République de Montmartre. Quand ce n’est pas sa photo, c’est l’affiche colorée de son cabaret que l’on aperçoit. Il faut dire que depuis 1956 l’homme en bleu gentiment excentrique a tout vu, tout connu, tout entendu. Mais pas encore tout bu. Car s’il n’a pas oublié les noms de ceux qui l’ont aidé à devenir une icône intergénérationnelle -Joël Le Tac, Bernard Dimey, Maurice His-, Michou cultive une pudique nostalgie qu’il noie chaque jour davantage dans quelques ballons de Champagne. Et il arpente encore au quotidien la Place du Tertre dont il est le tableau vivant le plus photographié. Il aime son village dont il connait tous les recoins, tous les artistes, tous les commerçants et tous les anciens qu’il chouchoute avec ardeur un mercredi par mois dans son cabaret. Qu’il claque la bise à la fromagère de la rue des Abbesses, qu’il lance des « youpi » insensés à l’adresse d’un groupe de Chinois fascinés par celui qu’ils confondent parfois avec un Schtroumpf  : Michou reste partout le même. Un charmant jeune homme de 84 ans, un dandy facétieux qui a vu défiler dans son cabaret les plus grands noms de la planète : artistes, hommes politiques, hommes d’affaires et femmes du monde. Et qui n’en revient toujours pas du chemin parcouru depuis son enfance de petit Picard désargenté. Le plus extraordinaire peut-être, c’est cette capacité à s’émerveiller encore et toujours. Pas seulement du passé – sa mémoire est un musée- mais aussi du présent. Heureux comme un gamin lorsqu’une personnalité s’arrête à sa table pour le saluer, il l’est tout autant de retrouver un vieux copain perdu de vue. C’est ce que facilite Montmartre, ce quartier-village qu’il a contribué à faire connaître aux quatre coins de planète. Un quartier qu’il ne quittera jamais. Le prince de la nuit a déjà réservé depuis longtemps le meilleur emplacement du cimetière de Montmartre.

A propos de l'auteur