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Jean-Yves Kermarec, chocolatier à Brest

Jean-Yves Kermarec, chocolatier à Brest

Plus que jamais plébiscité par les clients, le chocolat s’impose désormais sur la carte des desserts en toutes saisons. Qu’il s’intègre dans une recette, soit utilisé comme élément de décor ou proposé en bonbons, sa préparation répond à des règles qu’il faut absolument maitriser si l’on veut se démarquer par une offre qualitative.

En mousse, en gâteau, en tarte, en glace ou en fondue… Les recettes qui invitent le chocolat sur nos tables sont particulièrement nombreuses et le produit est devenu –même en été !- indissociable des cartes de restaurants. Difficile de s’en passer d’autant que les amateurs sont nombreux. Et de plus en plus connaisseurs. Le développement des chocolateries haut de gamme en témoigne : il y a bien longtemps que les gourmets ont dépassé le stade des préférences entre chocolat noir et chocolat au lait pour se familiariser avec les différentes teneurs en cacao, les crus d’origine et les mariages aromatiques subtiles et audacieux. Pour répondre à cette curiosité, les chefs de cuisine doivent, eux aussi, affiner leur offre et –quand c’est possible- laisser de côté les préparations industrielles en s’investissant dans la préparation d’un chocolat fait maison. Et quand on n’a pas de pâtissier en cuisine, cela s’apprend. « Il faut deux jours à un chef normalement doué, précise Jean-Yves Kermarec chocolatier à Brest (Histoire de chocolat), pour apprendre les techniques de base et pouvoir se lancer dans la fabrication. On trouve des stages de qualité pour les professionnels sur tout le territoire et, si ce n’est pas le cas, on peut toujours se rapprocher d’un artisan pour solliciter une petite formation. »  Si le grand chocolatier breton reconnait en privé que ses confrères sont parfois réticents pour transmettre leur savoir-faire en dehors de leur propre sphère, il est lui-même un adepte de ce type de rencontre. « Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres et c’est toujours intéressant d’échanger avec un cuisinier qui va porter un regard différent sur notre travail. »

Que faut-il apprendre ?

La première chose qu’un chef va devoir apprendre, c’est qu’il lui faudra aménager un mini-laboratoire dans sa cuisine (même s’il peut être démontable) pour travailler. Le chocolat à horreur de la promiscuité avec les autres ingrédients présents en cuisine, il n’aime ni l’humidité ni la poussière comme la farine. Il ne faut donc pas envisager de préparer une pâte feuilleté en même temps ! De plus, le chocolat demande toute la concentration de celui le prépare. Pour une petite production, un espace de 2 mètres carré équipé d’une table en marbre ou en inox sera suffisant. Pour obtenir un chocolat qui soit bien cassant et bien brillant, la première opération va consister à réussir ce que l’on appelle le tablage. C’est-à-dire, faire fondre  dans un cul de poule le chocolat de couverture à 45-50 degrés, de préférence très longtemps, puis le refroidir en l’étalant avec une spatule jusqu’à ce qu’il atteigne 28 degrés. Au début, il faut  bien sûr s’aider un thermomètre mais avec le temps cela se voit à l’œil en observant la texture de la matière. Une fois à cette température, le chocolat sera remis dans le cul de poule pour être réchauffé au bain marie à 32 degrés. Il sera ensuite travaillé, moulé par exemple pour servir d’éléments de décor à des desserts. Le tablage est une démarche essentielle pour obtenir un chocolat présentable au goût irréprochable. Si l’on n’a pas réussi sa « courbe de températures » (chocolat terne), ne pas paniquer : simplement recommencer l’opération. La qualité du chocolat dépend également du chocolat de couverture que l’on aura sélectionné chez son producteur. Des maisons comme Valrhona, Cacao Barry, Cluizel ou encore la Chocolaterie de l’Opéra disposent aujourd’hui de gamme importante avec des couvertures de chocolats d’origine en différents pourcentages. Disponibles en plaques de 3 kilos ou en sac hermétiques de perles de chocolat, la couverture sera à conserver hermétiquement dans un endroit à température stable (entre 15 et 20 degrés)… C’est important, car une autre particularité du chocolat : il déteste les écarts de températures qui sont la cause de son blanchiment. Une fois travaillé, le chocolat, se conservera de la même façon, bien à l’abri des vapeurs ou des graisses de cuisine… pendant 8 à 15 jours sans perte de qualité. Il peut se conserver bien davantage, mais la fraîcheur est aussi un élément important que les vrais amateurs savent apprécier.

Et pourquoi pas des bonbons ?

Pour se distinguer à l’heure du café, pourquoi ne pas proposer des chocolats « maison » ? C’est une démarche à laquelle le client est sensible confie Jean-Yves Kermarec qui sait de quoi il parle, puisqu’il est un ancien restaurateur. « Au départ, dit-il, le chef peut s’équiper de 3 à 6 moules différents pour préparer ses bonbons pour la semaine ou la quinzaine. » La technique est relativement simple et elle lui permettra de se distinguer en préparant des ganaches (garnitures) originales. Si la ganache au café est sans doute la plus facile à réaliser, le chef trouvera ici un champ de possibilités infini pour exprimer sa créativité. Une herbe méconnue ? Un épice ? Un arôme ? «  Le chocolat est un exhausteur de goût, commente l’artisan brestois, un peu comme le beurre : vous pouvez avec lui réaliser des mélanges tout à fait originaux. » Mais attention, précise-t-il, la recette demande de la rigueur. Après avoir coulé une partie de la coque dans les moules et attendu que celle-ci se soit solidifiée, il faut incorporer la ganache et la laisser cristalliser à l’air libre (température 20 degrés) pendant quelques heures, toute une nuit par exemple. C’est ensuite que l’on pourra refermer le bonbon. La maîtrise du temps est importante si l’on ne veut pas transformer son bonbon en cave à moisissure. Ce qui adviendra invariablement si l’on a été trop pressé avec la formation de petits points blancs à l’intérieur du bonbon au bout de deux ou trois jours… Mauvais effet et pertes assurés ! Mais si l’affaire est bien conduite, non seulement on obtient de bons bonbons qui sont également économiquement intéressants. Surtout si l’on commence à penser vente comme cela se fait de plus en plus. Au début, l’idéal est de partir sur des petits contenants (4 à 6 chocolats) qui auront l’avantage (sur des ballotins de 250 g) d’avoir un prix attractif et d’éviter les invendus. Mieux vaut également rester prudent sur les quantités produites. Comme le dit très justement Jean-Yves Kermarec : « La problématique avec le bonbon à emporter c’est qu’on ne sait jamais par qui et quand il va être dégusté. Est-ce que ce sera par une vieille dame de 90 ans, un enfant de trois ans, aura-t-il traversé les océans ??? C’est pour cette raison que l’on recommande une consommation sous trois semaines après sa production… Même si l’on sait que cela peut se conserver – dans les conditions de rigueur- 3 ou 4 mois si c’est bien fait. » Côté présentation enfin, optez plutôt pour des boites cartonnées qui protègent bien le chocolat et permettent de porter l’image de votre établissement avec un joli logo. N’oubliez pas que le chocolat s’offre en cadeau et que la présentation compte donc beaucoup. « Si la chocolaterie française a aussi bien réussi, conclu le créateur d’Histoire de Chocolat », c’est aussi parce qu’elle a su adopter les techniques de la parfumerie en soignant son packaging qui donne au chocolat son côté précieux. »

 

www.histoiredechocolat.com

Article publié dans « Nous CHRD »

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