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La désertification des campagnes est une réalité que personne ne conteste. Et contre laquelle on ne fait pas grand-chose, sinon rien. Les jeunes la fuient faute d’emplois, les seniors faute de médecins et les citadins qui la redécouvrent la préfèrent à proximité d’une autoroute, d’une gare TGV ou d’un aéroport. Autant dire que le phénomène n’a pas fini de s’amplifier. Les fermes sont de plus en plus mécanisées, la grande distribution a vampirisé la plupart des petits commerces –seules résistent encore les pharmacies et quelques boulangers- et vivre dans un village où le dernier café a fermé faute de combattants n’est pas forcément simple. Le lien social est difficile à maintenir et l’isolement menace. Et pourtant, les avantages de la vie rurale demeurent. J’écris ça en pensant à mes voisins de La Petite Guerche dans la Vienne où je me suis rendu à plusieurs reprises cet été. Ils ne sont plus jeunes, mais quelle activité et quelle sagesse ! Entre le potager, les poules, les lapins et le petit lopin de vigne : croyez-moi, ils n’ont pas besoin, à 80 ans et plus, d’une assistante du troisième âge pour les distraire.

Et leur autonomie inspire non seulement le respect : elle est aussi source de gourmandise. A leur table, les tomates, les poivrons et les haricots verts, toujours fraîchement cueillis, dépassent en qualité ce que l’on peut trouver chez le meilleur primeur de Paris. L’autre jour alors qu’il rentrait de sa vigne, Marcel – mon voisin -qui fait chaque année son vin dans une des granges de son jardin, a rapporté comme un trésor quelques pêches de vigne. Il y a bien longtemps que je n’avais croqué dans un fruit aussi bon, aussi parfumé…

tomates et pêches de vigne

 

Une pure merveille de la nature. Une belle compensation aussi, puisqu’une biche indélicate a engloutie une grande partie des grappes. Il n’y aura pas de vin cette année. Mais tellement d’autres compensations ! Préservées sous un drap, les pommes de terre se donneront rendez-vous sous la cendre cet hiver. Elles tiendront compagnie au gibier. Mes voisins ne pêchent pas –que je sache en tout cas-, mais ils pourraient tout autant se régaler de poissons si nombreux dans cette Creuse toute proche (pas 100 mètres de la maison) où anguilles, truites Fario, ombles, saumons de fontaine, brochets et sandres autorisent la biodiversité dans l’assiette. Et je ne vous parle pas des trompettes de la mort et des cèpes ramassés en quantité à la saison. Ni des mûres, ni des framboises ou des pommes et des poires du verger ! Et quand je vois toutes ces maisons aux volets fermés pour un temps qui ressemblent à l’éternité, tous ces panneaux « à vendre » et que, d’un autre côté, j’observe tous les bras ballants et mines désœuvrés dans nos cités : je me dis que quelque chose ne va pas. Que l’essentiel n’est pas fait. Les maisons à moins de 100.000 € se comptent par centaines dans cette partie de la Vienne où avec 400 € de loyer par mois –parfois moins- la maison qui vous tend les bras s’offre avec une belle parcelle de terre et mériterait d’être réinvestie. Il y a du bonheur à prendre à vivre à la campagne. Et une fierté à reconquérir.

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