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J’ai toujours eu du mal avec les pétitions ou les appels lancés par des personnalités le plus souvent auto-proclamées. D’abord, parce que j’estime qu’il faut avoir un égo surdimensionné pour s’imaginer que sa propre signature en bas d’un texte va pouvoir interpeller le quidam, l’influencer et pourquoi pas le faire changer d’avis. Ensuite, parce que ces textes, qui sont souvent des prises de position sur des sujets sociétaux, n’atteignent jamais leur objectif si ce n’est celui de faire mousser les narcisses qui les signent. Et je dois dire que dans le genre, l’appel du Lundi Vert est significatif de l’arrogance d’une élite décidément déconnectée de tout. L’objet de cette supplique ? Demander aux français de supprimer de leur alimentation, chaque lundi, viande et poisson. Pourquoi le lundi ? Parce que c’est le jour retenu par ce mouvement dans quarante pays à travers le monde. Pourquoi la viande et le poisson ? Parce que ce n’est pas bon pour la planète – gaz à effet de serre, eau, déforestation- ; que ce n’est pas bon pour notre santé (cancer, diabète, maladie cardio-vasculaires) et enfin parce que la majorité des animaux consommés font aujourd’hui l’objet de traitements inacceptables durant leur élevage industriel ou (et) leur abattage. C’est donc en gros une pétition quasi végan qui se cache derrière cet appel au peuple, avec l’idée que pour imposer la vision d’un monde ultra végétalien, il vaut sans doute mieux y aller progressivement. Un jour par semaine, le symbole est fort. Les vendredis, samedis et dimanches étant déjà pris par des communautés religieuses déjà très implantées, on aura donc retenu le lundi, jour déjà peu favorable au poisson à cause du repos dominical que s’accordent les artisans pêcheurs. Mais plusieurs choses sont indécentes dans cette requête. La première est de considérer que tous nos concitoyens ont les moyens de s’offrir au quotidien de la viande ou du poisson. Il suffit d’écouter ce qui se raconte sur les ronds-points où fleurissent les gilets pour savoir que ce n’est pas le cas. De très loin! Ensuite, je trouve qu’il y a ici une bien curieuse façon de stigmatiser différentes filières à commencer par celle de l’élevage qui forcément ferait de la merde (pour parler comme le regretté Jean-Pierre Coffe), ce qui est naturellement faux. Le vrai combat ne consisterait-il pas plutôt à militer pour une pêche raisonnée et un élevage de qualité, respectant au mieux les conditions de vie des animaux ? Certes, les méga armateurs qui envoient leur flotte puiser les richesses des océans se moquent comme de leur première épuisette des 500 élus du Lundi vert. Rien à faire de Juliette Binoche, Isabelle Adjani ou de Stéphane Bern. Rien à battre de Elodie Bouchez, de Frédéric Lopez ou d’Henry-Jean Servat. Rien à faire enfin des journalistes, philosophes, chercheurs et autres députés qui signent cet appel et qui sont – pourquoi ne pas le dire- tous des privilégiés qui, lorsqu’ils pensent végétal, ne pensent pas forcément carotte et patate.

(Chronique publiée dans le magazine Nous CHRD du mois de janvier-février 2019)

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